Entretien avec Dame, grand supporter du Sénégal : « Je suis surpris et vraiment dégoûté »

Salut Dame, présente toi rapidement.

« Salut, je m’appelle Dame, je viens de Saint-Louis au Sénégal, et je suis actuellement en France pour faire mes études. Et je suis dégoûté et très surpris de l’élimination des Lions de la Terengua».

J’imagine que tu as suivi tout les matchs du Sénégal depuis ?

« Oui évidemment, même si je travaillais pendant certains matchs, mais j’ai toujours pu m’arranger avec mes collègues pour ne rien manquer».

Le premier match contre la Pologne, raconte nous comment tu l’as vécu ?

« Je l’ai vécu avec un certain bonheur, mais je n'étais pas rassuré. On a gagné mais on a pas joué, on marque 2 buts sur des coups de chances. Pas rassuré du coté du jeu également. L’essentiel était la, on avait les 3 points, et c’était très important de débuter avec une victoire. »

Ensuite le deuxième match contre le Japon, t’en as pensé quoi ?

« Ce que je te disais sur le premier match s’est encore confirmé. On marque un but chanceux, après nos joueurs se sont endormis, ils ne jouaient plus. Après le Japon égalise, et à partir de la ils ont commencé à faire le jeu, à pousser. En deuxième mi temps on arrive à mettre un deuxième but, et je pensais qu’on allait tenir le score. »

"Si on avait gagné ce match, aujourd’hui on serait en train de préparer notre huitièmes de finale"

Tu penses que ce match nul est le tournant de votre Mondial ?

« Exactement, si on avait gagné ce match, aujourd’hui on serait en train de préparer notre huitièmes de finale. Surtout que dans la soirée la Colombie a tapé la Pologne 3-0, donc on savait très bien que le dernier match serait extrêmement difficile ».

Ce match contre la Colombie justement, surpris par la composition d’équipe très offensive ?

« Oui, l’entraineur a pris des risques avec ce 4-2-4 (4-4-2), avec Mane, Sarr, Niang et Keita tous titulaires. Mais pour moi c’était le bon choix, ce que j’attendais depuis le début du Mondial. Tu ne peux pas avoir un joueur comme Keita constamment sur le banc. »

Ou as tu suivi le match ?

« Je l’ai regardé chez moi, seul et tranquillement ».

Donc grosse entame des Sénégalais...

« Exact, pourtant je pensais que le début de match allait être très difficile, vu le match de la Colombie face à la Pologne et vu qu’ils étaient dans l’impératif de gagner. Je m’attendais à une grosse pression de leurs parts. Mais, finalement c’est le Sénégal qui a pressé tout au long du match. »

Le pénalty sur Mané, tu le siffle ou pas ?

« Avec l’assistance vidéo, aujourd’hui, ça complique un peu les choses. Parfois ça nous arrange, et parfois non. A vitesse réelle tu ne peux que siffler, mais après revisionnage, on voit que le Colombien touche la balle en premier, donc la VAR a eu raison. »

Donc, le Sénégal fait un gros match, se crée des occasions, et James se blesse. Tu te dis quoi à ce moment la ?

« Paradoxalement, je pense que la blessure de James nous a handicapé. A partir de la on s’est arrêté de jouer, et laisser un peu plus le ballons aux jaunes. C’était un peu le même scénario de l’euro 2016, quand Cristiano sort sur blessure en finale. »

Après en deuxième mi temps, but de la Pologne face au Japon, un score qui arrange alors tout le monde, et puis la Colombie qui marque sur corner.

« Je regardai le match sur un vieux streaming, et il plante pile au moment du corner. Et je vois le but quelques secondes après. J’étais vraiment désespéré et surpris, vu qu’on jouait plutôt bien. Prendre un but sur coup de pieds arrêté c’est toujours difficile à accepter. »

Après ce but, tu penses que le Sénégal va revenir ?

« Oui, j’avais confiance, et on était vraiment bien dans le match. Mais plus le temps avançait et moins de chance on avait. Surtout que la Colombie s’est repliée avec un bloc très bas et très agressif, et a très bien défendu. »

"Je faisais les calculs dans ma tête, et je réalisais qu’on avait exactement les mêmes chiffres au niveau des points et de la différence de buts"

A ce moment la tu es au courant que le Japon va se qualifier au détriment du Sénégal pour une simple différence de cartons ?

« Non non. Je faisais les calculs dans ma tête, et je réalisais qu’on avait exactement les mêmes chiffres au niveau des points et de la différence de buts. Donc je pensais qu’on allait rejouer un match pour nous départager. »

Donc explique nous ta réaction quand tu vois le Sénégal finalement éliminé ?

« Vraiment surpris, je ne savais pas qu’une règle comme ça existait »

Si tu aurais eu le choix, qu’aurais tu fait pour départager les deux équipes ?

« Moi j’aurai préféré des tirs aux buts, ou alors un simple match d’appuie. Même un petit match de 20 ou 30 minutes, mais ça aurait été difficile à mettre en place. Il y a des règles et il faut les respecter. »

Coup de sifflet final, Sénégal éliminé, tes sentiments ?

« Sentiment de désespoir, de dégout. Au Sénégal Il y avait vraiment une belle mobilisation pour accompagner les lions de la Terengua. Sur le premier match notre président était même présent au stade. Tous les Sénégalais avaient l’envie et l’espoir d’aller loin dans cette coupe du monde. «

Il y avait beaucoup de supporters sénégalais présent en Russie également, il y a aussi cette image ou on les voient ramasser leurs déchets dans le stade :

« Oui, c’est un acte de civisme que tout le monde entier a salué. Personnellement en tant que Sénégalais j’ai été très fier de voir mes compatriotes faire ça. »

Tu as des retours de qui se passe actuellement au Sénégal ?

« Oui j’en ai eu. Mais tout le monde n’est pas comme moi. Je suis tout de même satisfait de l’équipe. Mais comme je t’ai dis, il y avait vraiment un vrai engouement autour de cette équipe au pays, ce qui fait que certaines personnes qui ne connaissent pas grand chose au foot ne comprennent pas l’élimination du Sénégal, et critiquent les joueurs et l’entraineur. Il faut aller plus loin, et voir ce que l’équipe a proposé ».

"Je ne manque pas d’espoir pour qu’un jour une équipe africaine remporte la Coupe du Monde"

Bon maintenant, une page se tourne pour le Sénégal. Tu vois plus un début de cycle ou une fin de cycle ?

« C’est un début de cycle. On a une équipe très jeune, avec beaucoup de joueurs qui ont effectué leur première compétition internationale. Sarr, Niang, Wague, Sabally n’ont pas vraiment eu beaucoup d’expérience auparavant. »

Avec le même entraineur ?

« Oui, il a obtenu de bons résultats. Il a quand même qualifié l’équipe pour la Coupe du Monde. Après l’élimination est cruelle, ce sont des choses qui arrivent. Il n’est pas non plus irréprochable, mais il faut le laisser travailler, il a une équipe jeune. »

Le prochain objectif du coup, c’est d’aller loin à la CAN ?

« Biensur, la CAN serait un véritable objectif. On va essayer de maintenir cette équipe et de travailler pour aller le plus loin possible. »

 Un mot sur les équipes africaines. Plus aucune est présente pour ces huitièmes.

« C’est une honte pour moi. On avait pourtant l’opportunité de le faire, avec le Sénégal et le Nigéria. Mais à chaque fois ça c’est décidé à peu de choses, dans les dernières minutes. Ce qui me fait aussi dire, qu’on s’est battue jusqu’au bout, jusqu’à la dernière minute. Donc ça me rend un peu fière. Mais je vais te dire une chose. Je ne manque pas d’espoir pour qu’un jour une équipe africaine remporte la Coupe du Monde. »

Pour finir, la nuit n’a pas été trop difficile ?

« Evidemment. J’avais vraiment l’espoir d’aller loin dans la compétition, je suis déçu et très surpris. Certains de mes amis me disaient même qu’on allait dépasser les quarts de finales. Mais c’est la vie, et ce sont des choses qui arrivent »

Propos recueillis par Boris Abbate